
La nécessité de continuer à espérer, pour nourrir le futur d’une humanité qui survivra au programme de destruction qui se déchaine en ce moment contre elle, doit être égale à la nécessité de rester lucide pour, sinon empêcher, du moins contrarier le plus possible le déroulement de ce projet funeste.
Ce double impératif est la cause du tiraillement dans lequel je me sens prise parfois, entre confiance inaltérable et doute insurmontable, visions extrêmement rassurantes et pronostics les plus sombres.
J’y réponds au cas par cas, avec les outils qui sont les miens, et constituent pour ainsi dire mon bréviaire dans ce voyage en terre inconnue où nous entraine la vie : lectures, écriture, réflexion, recherches, partage des pensées et des informations que je crois propres à éveiller et élever nos consciences, pratique régulière de la méditation, de la danse, du chant et de l’humour, pour entretenir une bonne hygiène du corps et de l’esprit…
Mais le but n’est pas de faire taire ce double élan vers l’optimisme et le réalisme, simplement d’apaiser la tension qu’il suscite, car il est probablement inhérent à notre humaine condition.
Ainsi, dans le journal qu’elle a tenu de 1941 à 1943 avant de disparaître dans les camps, Etty Hillesum écrit, dans un même mouvement qui ne recèle nulle contradiction :
« Il n’y avait pas de questions, seulement une grande confiance et une profonde reconnaissance pour la beauté de la vie », et 3 pages plus loin : « Ne nous faisons pas trop d’illusions. La vie va devenir très dure. Nous serons de nouveau séparés de tous ceux qui nous sont chers. Je crois que le moment n’en est plus très éloigné. On doit s’y préparer intérieurement avec une intensité croissante ».