Martine Plaucheur : ça déménage !

… au sens littéral du mot.

Jugez plutôt : 3 déménagements en 3 ans. Soit, le calcul est simple, un par an.

Damned, serais-je atteinte d’un nouveau virus se caractérisant par une bougeotte effrénée?!

Avant de tirer des conclusions hâtives, laissez-moi vous exposer le malheureux enchaînement de circonstances, qui m’a amenée à ce que les chantres de la novlangue appelleront une « instabilité habitationnelle »…

Paradoxalement, ou au contraire logiquement, c’est l’enfermement du premier confinement qui a initié ce cycle de voyages d’un logement à l’autre. Car figurez-vous que, quand je me suis retrouvée coincée entre mon minuscule balcon sans soleil (dont je m’accommodais fort bien jusque-là) et les bruits effroyables causés par la rénovation complète de l’appartement du dessus (le confinement a déclenché des envies de bricolage intempestives), j’ai entendu, moi l’urbaine de toujours, l’appel de la nature. Un appel évident, irrésistible : « Du vert ! je veux du vert ! sous tous les tons et toutes les formes, plantes, feuilles, arbres, haies, arbustes, avec des pioupious qui chantent dedans ! » Seulement, essayez donc de déraciner une Marseillaise pur jus (de Pastis ? non, pas ma tasse de thé), de surcroît native du légendaire quartier du Panier ! Le vrai Panier, peuplé jadis de figures authentiquement pittoresques, glorifiées de surnoms plus créatifs que tout l’aréopage des auteurs Français, criant de balcons à balcons avec un coffre impressionnant hérité de leurs aïeux ritals… Ce Panier-là, oui, parfaitement ! pas celui de carton-pâte recréé en studio par une série qui l’a rendu célèbre au-delà du Vieux-Port. Mais qui ne nous a pas rendu la vie plus belle, en nous attirant des hordes de touristes naïfs, ravis de claquer leur fric, peucheure ! dans des breloques made in China à l’effigie des héros de leur feuilleton, et des faux savons de Marseille qui ne trompent pas le nez de l’autochtone. Et puis, Marseille, c’est là où j’ai « mes réseaux » et où je m’en sors le mieux, pratiquant ma ville avec ses particularités étranges et ses lois non dites, depuis 53 ans. Et puis… ici, il y a les gens que j’aime. A contrario de Marius, je ne puis me résoudre à les quitter pour courir le monde.

Me mettre au vert, mais sans quitter Marseille, avec le budget pas mirobolant de la revente de mon T2 : tel est le double défi qui s’est imposé à moi. Je pensais donc que ma recherche serait longue, mais dès la première annonce immo, bingo ! je trouve la (toute petite) maison de mes rêves… qui tournèrent rapidement au cauchemar : 3 mois plus tard jour pour jour, on me notifie officiellement que le passage du tramway la condamne à la démolition. Je m’en souviens encore, j’étais en train de réceptionner des outils pour mon futur jardin. Je ne les ai même pas déballés. L’omission volontaire, ou la légèreté négligente d’un vendeur qui n’a pas jugé nécessaire de me signaler ce point de détail : « Au fait ! je vous vends une maison qui va être rasée ! », couplée à une regrettable étourderie administrative : « Ca arrive à tout le monde hein, avec toutes les demandes de notaires qu’on doit traiter! », m’ont mise dans cette m… enfin, je veux dire, dans cette situation délicate, résumée en 13 lettres (je confirme que le 13 ne porte pas bonheur) : EXPROPRIATION.

Heureusement que j’ai eu, comme on dit, de la chance dans mon malheur : l’Administration a tout de suite reconnu et réparé son énorme bourde. Et puis, n’étant pas la « material girl » chantée par Madonna, je l’ai beaucoup relativisé, mon « malheur » : j’étais en bonne santé et aimée. Je n’avais plus de maison mais j’avais tout. Cela dit, les tracasseries du quotidien se sont quand même pas mal acharnées pendant cette période… en principe, j’avais un an pour retrouver un logement. Mais une fuite des eaux usées dans toute la baraque (qui semblait se venger de son funeste sort, en devenant la version marseillaise d’Amityville, avec un Diable surgi des égouts) a précipité mon départ… Or, on le sait, la pression empêche les choix sereins.

Cette mésaventure ne me découragea pas : d’un naturel tenace, je ne renonçai à ma quête d’une herbe plus verte ailleurs sans sortir de Marseille… Août 2021, je trouve un grand appartement dans mes prix, surtout, situé pile face à un parc où trône un cèdre immense, majestueux, grandiose !… Manifestement, je n’ai vu que lui quand j’ai visité. Car 1 an et 4 mois après, je refais mes cartons, poussée dehors cette fois, non par un déluge des eaux domestiques, mais par mon incapacité à la vie quotidienne dans « un grand ensemble », vous savez, ce genre d’immense copro où même avec le voisinage le plus humain qui soit (c’était pourtant le cas), la taille disproportionnée et l’uniformité des bâtiments garde toujours un aspect déshumanisé. Sans parler de la promiscuité quasi permanente, dont mon tempérament – non point complètement misanthrope, mais tout de même un peu ours des bois – n’arrivait pas à s’accommoder.

J’écris ce texte depuis mon nouveau, et j’espère non éphémère chez-moi. Gardant à l’esprit cette phrase de Jim Harrison : « Où suis-je donc chez moi si un tel lieu existe? »… « Chez moi », alors que nous laisserons toutes nos possessions matérielles en partant. « Chez moi », appellation présomptueuse et dépourvue de sens, sauf à considérer que chez moi, c’est mon monde intérieur, plus précisément, ce point inaliénable et sacré où on peut se poser quand on veut, quelque soit l’environnement extérieur. Néanmoins, je voudrais me poser ici aussi, dans cet appartement « comme une maison » disait l’annonce, en rez-de-chaussée d’un petit immeuble très ancien, au calme malgré la proximité du centre ville, et avec un jardin. Enfin, il va falloir désherber, planter, débarrasser, retaper le cabanon du fond rongé par le lierre et l’humidité… mais c’est en projet.

Avant de finir le récit de mes pérégrinations immobilières, je tiens à remercier les agents de la profession pour leur patience, les notaires pour leur accompagnement sans faille dans mes ventes et rachats multiples, ainsi que tous les proches, amis, et inconnus, qui m’ont aidée à déménager par trois fois : leur offrir une crémaillère trois fois plus réussie que la normale est le moins que je puisse faire. Mais avant ça, je dois réaliser des travaux pour rafraîchir ces vieux murs. Ah les chantiers, le monde du bâtiment ! Une nouvelle aventure commence…

(Photo : Brooke Shaden)

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Mais qui sont les Passpass ?

Une fois par mois, les Passpass se retrouvent sur Zoom pour parler de leurs tracas petits ou grands du quotidien : les réunions de famille, le boulot, un pote qui sort de l’hosto…

Les Passpass, ce ne sont pas « les autres ».

Les Passpass, c’est vous, moi, saisis dans un instant de vie. Montrés avec nos faiblesses humaines trop humaines. Et parfois inhumaines.

Dérision bien ordonnée commence par soi-même : on peut rire de tout, à condition de savoir rire de soi. Honnêtement. Sans dissimuler nos petits secrets pas glorieux.

A condition aussi de porter un regard non condamnateur, voire tendre, sur les errements des humains très imparfaits que nous sommes.